Le siège de Belfort 1870-1871

La défense héroïque de Belfort, Imagerie Pellerin, Epinal, tous droits réservés

A partir du mois d’août 1870, les principales armées françaises sont vaincues dans le nord de l’Alsace et de la Lorraine. Ces dernières doivent battre en retraite. L’une, commandée par le maréchal de Mac-Mahon, accompagné de Napoléon III, marche en direction des Ardennes et est vaincue lors de la bataille de Sedan le 1er septembre 1870, tandis qu’une deuxième est assiégée à Metz et capitule le 28 octobre 1870.

Sur le plan régional, Strasbourg est assiégée, lourdement bombardée pendant plusieurs semaines et tombe le 28 septembre.

Le 19 octobre 1870, le colonel Aristide Denfert-Rochereau est nommé commandant supérieur de la place de Belfort. Avant sa nomination, il était le chef du génie militaire de Belfort. Il a conduit à ce titre, dès la déclaration de guerre, de nombreux travaux visant à renforcer les défenses de la ville, notamment l'édification de fortifications supplémentaires, complétant celles héritées de Vauban et du général Benoit Haxo.

Le 28 octobre 1870, le maréchal prussien von Moltke ordonne le siège de Belfort et confie cette mission au général Udo von Tresckow.

Belfort est une ville stratégique, contrôlant la trouée située entre le sud des Vosges et le massif du Jura. Après la déroute des armées françaises dans le nord de l’Alsace et à Metz puis la conquête de Strasbourg le 28 septembre, Belfort constitue le dernier rempart avant une invasion du centre de la France par les armées prussiennes.

Lorsque les troupes prussiennes investissent les pourtours de Belfort le 3 novembre 1870, elles se heurtent à une résistance plus vive que prévu. Au lieu de s'enfermer dans la place, la garnison du colonel Denfert-Rochereau dispute toutes les approches. Tout au long du premier mois, les défenseurs de Belfort parviennent à mener des sorties pour harceler l’armée assiégeante, appuyés par les canons de la place forte. Inférieurs numériquement et confrontés à des conditions difficiles (météorologiques, approvisionnements, effectifs, etc.), les soldats prussiens progressent lentement.

Le 10 novembre, l’ingénieur général prussien von Mertens et le colonel d’artillerie von Scheliha sont désignés pour superviser les opérations de sièges et de bombardement. Les deux ont une solide expérience dans ce genre d’opération.

Ce n'est qu'à partir du 3 décembre que les troupes prussiennes, badoises, bavaroise et wurtembergeoises, installent les sept premières batteries d’artillerie de siège. La 7ème est armée de canons français pris à Sélestat.

L’état-major prussien opte dans un premier temps pour un bombardement intensif.

Le bombardement de Belfort vue du la plaine de Brasse, gravure sur acier allemande, 1871 ©Musée(s) de Belfort

Devant la détermination du colonel Denfert-Rochereau et le manque d’approvisionnement en munition, l’armée assiégeante doit changer de tactique. Elle en adopte une nouvelle, consistant à attaquer la colline des Perches, clef du dispositif de défense élaboré par le colonel Denfert-Rochereau.

Cette tactique, plus longue à entreprendre, nécessite d’abord de contrôler l’ensemble des positions de la zone. A partir du 13 décembre, les assiégeants dévoilent leur nouveau plan, progressent, et conquièrent certaines positions (Bosmont, Andelnans, Bois de Bavilliers, Froideval).

Au cours du mois de décembre, plusieurs batteries sont installées dans le sud-ouest de la cité assiégée.

L’arrivée de troupes d’infanterie supplémentaires permet aux Prussiens, dans la nuit du 7 au 8 janvier, d’enlever le village retranché de Danjoutin.

Depuis le début du mois de novembre, les défenseurs sont affaiblis par une épidémie de fièvre typhoïde et de variole (premiers cas constatés à Belfort début août 1870). Les effets psychologiques du bombardement et les rigueurs du climat sont terribles. Il faut imaginer des populations civiles comme militaires dans les villages sans refuges efficaces face aux tirs d’artillerie.

Pourtant, un évènement extérieur va galvaniser les esprits. C’est l’annonce de l’arrivée d’une armée de libération. Parallèlement au siège de Belfort, une armée dite « de l'Est » a été réunie dans le but de libérer Belfort, puis, dans un second temps, de porter la guerre dans la région du Rhin. Le ministre Léon Gambetta nomme le général Bourbaki à son commandement.

Cette opération paraît audacieuse même pour le haut-commandement prussien. Von Moltke dépêche le 14ème corps du général von Werder pour freiner l’avance de cette puissante armée, forte d’environ 100000 soldats français.

Débarquées à Clerval, les troupes du général Bourbaki rencontrent celles du général von Werder à Villersexel le 9 janvier 1871. C’est un succès pour les Français, qui marchent alors en direction de Montbéliard et Héricourt.

Devant une armée aussi importante, le général prussien von Werder décide d’utiliser un obstacle naturel, la rivière la Lizaine, et fait appel au concours des troupes qui assiègent Belfort.

Du 15 au 18 janvier 1871, une grande bataille voit s’opposer 40000 soldats badois et prussiens aux hommes de l’armée de l’Est. Malgré une supériorité numérique incontestable, les Français ne réussissent pas à percer la barrière de feu installée grâce à une partie des canons utilisés durant le siège.

Richard Knötel, Le général von Werder à la bataille de la Lizaine, chromolithographie, collection privée

A l’extrémité du dispositif français, une division de l'armée de l'Est parvient à Chenebier mais, faute de renfort, elle ne peut pas continuer son avancée sur Belfort. Le général Bourbaki ordonne la retraite, qui conduit son armée sur les plateaux du Jura et à l’internement en Suisse le 1er février 1871.

A Belfort, ce désastre n’est connu avec certitude que le 5 février 1871. Sans le concours de l’armée de l’Est, c'en est fini des espoirs de libération pour Belfort.

La victoire des troupes du général von Werder sécurise les opérations de siège. Les troupes assiégeantes peuvent poursuivre les travaux d’attaques. Pour ce faire, elles attaquent la commune retranchée de Pérouse. Remarquablement bien défendu, le village doit cependant être évacué le 21 janvier.

Les sapeurs prussiens et badois creusent le soir-même une première tranchée d’attaque en direction des deux forts des Perches. Longue de deux kilomètres environ, celle-ci est consolidée quotidiennement.

Au même moment, la situation nationale évolue considérablement. Le 18 janvier, la proclamation de l’Empire Allemand à Versailles et surtout l’ouverture des négociations avec le gouvernement français assiégé dans Paris, rendent les opérations de siège plus qu’urgentes.

Le 26 janvier, le général von Tresckow tente un coup de force contre les forts des Perches. C’est un échec. Il reprend néanmoins son attaque en règle, de manière plus prudente et plus adaptée. Il parvient le 8 février à s'emparer des forts des Perches, permettant ainsi l’installation de 10 batteries d’artillerie.

Cette progression prussienne et la situation nationale imposent une issue diplomatique.

Le colonel Denfert-Rochereau reçoit du gouvernement français l’autorisation de rendre la place et négocie la convention de reddition, signée le 15 février 1871 à Pérouse.

Le 18 février, le colonel Denfert-Rochereau quitte Belfort avec la dernière colonne d’évacuation ; c’est une marche triomphale en direction de l’Ain à travers la Franche-Comté.

Grâce à la résistance énergique de Belfort, le président du Conseil, Adolphe Thiers, obtient le 26 février 1871 que la ville fortifiée reste française.

C’est la naissance d’un territoire bien singulier. Celui de la sud partie de d’Alsace, non annexée à l’Empire allemand.

En hommage à cette résistance, un monument réalisé par Bartholdi sera construit sur le flanc de la falaise dominant la ville : le Lion de Belfort.