Un jeune soldat prussien

La batterie de Pérouse après la proclamation de paix, gravure sur acier, 1871 ©Musée(s) de Belfort

« Mes parents bien aimés !

Enfin, enfin, Dieu merci, la guerre est finie pour nous aussi. Remerciez Dieu un million de fois, qu'il m'ait si fidèlement protégé jusqu'à présent, me gardant sain et sauf ; maintenant il m'aidera aussi, afin que nous puissions bientôt rentrer à la maison en bonne santé et heureux.

Vous aurez déjà appris dans le journal que nous avons eu une trève depuis le 13 [février] au soir et que nous allons occuper Belfort le 18 au plus tard. (...)

Dans ma précédente lettre du 10 [février], je vous ai écrit que nous avions reçu l'ordre de travailler la nuit suivante. A 6 heures du soir, nous avons marché dans un cloaque épouvantable et avons fait un long détour par les Basses-Perches, et nous avons dû construire une batterie là-bas, où nous avons subi des tirs importants. Un éclat d'obus a volé près de ma tête et a sectionné en deux le bras de mon voisin. Samedi matin à 9 heures, nous sommes revenus extrêmement épuisés, mais nous nous sommes reposés jusqu'à lundi soir. (...)

Malgré le fait que pas moins de 52 batteries et environ 200 canons de calibres variés aient été installés et allaient ouvrir un feu meurtrier dans les prochains jours, nous ne pensions pas que Belfort pourrait être bientôt contraint de se rendre. (...)

A 6 heures 30 du soir, je suis arrivé à la batterie entre Pérouse et les Hautes-Perches. Nos canons étaient comme abandonnés, ce qui nous étonna grandement. Nos artilleurs nous ont dit qu'il était interdit de tirer jusqu'à 8 heures du matin. Des munitions ont encore été apportées.

De la forteresse, les français ont tiré violemment jusqu'après 8 heures du soir, mais ensuite, le calme de la nuit n'a pas été à nouveau perturbé par un tir. Lorsque nous avons été remplacés tôt le matin et que nous sommes descendus à Pérouse, nous avons appris qu'une trève de trois jours avait été conclue pour le moment.

Maintenant, la joie est générale, toute la journée il y a eu une vie animée dans le village et dans les retranchements. Malgré l'interdiction, nous avons déjà visité les avant-postes français et nous nous sommes salués de manière amicale et en toute camaraderie.

Le stollen [gâteau traditionnel] et la saucisse étaient excellents. De Döbernitz nous avons reçu des biscottes, du beurre et des saucisses, de Rudolf une pipe et du tabac*. J'apprécie beaucoup cette dernière sorte de tabac et j'ai demandé à Rudolf un nouvel envoi avec la pochette assortie. (...)

Et bien, pour aujourd'hui au-revoir, saluez tous les amis, connaissances et parents. Chassez vos soucis et pensez paisiblement à votre fils, Hermann Kretzschmar, qui espère rentrer bientôt chez lui. »

Source : Collection privée - Droits réservés.

* Fumer nuit gravement à la santé