L'affaire de Danjoutin

Le côté sud de la place de Belfort (source gallica.bnf.fr / BnF)

Déterminés très tôt à prendre Danjoutin, les Prussiens assiègent et bombardent le village durant plusieurs semaines de décembre à début janvier, depuis leurs batteries installées dans les bois voisins qu’ils occupent.

Danjoutin est occupé et défendu, côté français, par plusieurs compagnies de mobiles.

Le samedi 7 janvier, les Prussiens canonnent Danjoutin, avec leurs batteries d'Andelnans, du bois de Bavilliers, et du Bosmont. A onze heures et demie du soir, le feu cesse. A onze heures quarante-cinq, un bataillon prussien s’avance vers le haut du village pour attaquer le poste tenu par une compagnie française au passage à niveau de la voie ferrée. Peu après, on entend dans Danjoutin des coups de feu vers l'église et les cris de l'ennemi indiquant qu'il était entré dans le village, visiblement sans y trouver de résistance. Très rapidement, les Prussiens cernent les troupes françaises et investissent les maisons du village.

A minuit, une dépêche de Perouse signale au commandant supérieur une fusillade entendue dans la direction de Danjoutin. Il n'y a, à ce stade, rien d'inquiétant vu de la Citadelle, les échanges de tirs étant fréquents sur le secteur.

Vers 1 heure du matin, un sergent de la 8ème compagnie du Haut-Rhin, cantonnée au Fourneau, vient annoncer au colonel Denfert-Rochereau que Danjoutin est attaqué par des forces énormes et est complètement cerné, et que les deux compagnies de Saône-et-Loire placées à l'entrée du village se sont repliées sur le faubourg du Fourneau.

A cette nouvelle inattendue, on court au télégraphe. Le fil de Danjoutin est rompu depuis la veille. On télégraphie donc aux Hautes et Basses-Perches.

Les commandants de ces forts, étonnés de la question qu'on leur pose quant à cette possible attaque de Danjoutin, répondent qu'ils n'ont rien remarqué de leur côté.

Un capitaine d'état-major envoyé en reconnaissance, revient bientôt confirmer la nouvelle. Danjoutin est véritablement cerné ! Le colonel Denfert-Rochereau décide alors l’envoi de quatre compagnies pour tenter de secourir le village. Ces compagnies reviennent bientôt. Elles se sont avancées par le Fourneau, le plus près possible. Mais l'ennemi, abrité derrière le talus du chemin de fer, les a reçues par un feu si violent qu'elles ont dû reculer. Plusieurs Mobiles ont été tués dans l’opération.

A 6 heures du matin, les renseignements les plus contradictoires arrivent de différentes sources.

Quelques heures plus tard, on voit de la Citadelle les malheureux soldats de Danjoutin défiler entre deux rangées de soldats prussiens. Ils sont prisonniers de guerre et Danjoutin est perdu. La garnison vient de perdre, après soixante-cinq jours de siège, un village décisif et 770 de ses hommes, dont près de 700 faits prisonniers.

Comment les choses se sont-elles passées pour en arriver à cette débâcle à laquelle on donna le nom d'Affaire de Danjoutin ?

Danjoutin en 1871 (source gallica.bnf.fr / BnF)

Il apparaitra après enquête que deux compagnies de mobiles, la 6ème et la 7ème de Saône-et-Loire, ont failli à leur devoir. Les officiers de la 7ème, au lieu d'être à leur poste, étaient dans une maison et non auprès de leurs hommes ; certains sous-officiers et soldats n’étant pas non plus dans leurs tranchées quand l'ennemi se présenta. La 6ème compagnie aurait pour sa part lâchement abandonné son poste à la première attaque prussienne et permis à l'ennemi de pénétrer en force dans le village. Le village fut ainsi rapidement investi sans que les autres compagnies françaises présentes sur place n’y purent rien faire.

Les deux compagnies mises en cause avaient pourtant ordre, en cas d’attaque prussienne imposant le repli, de se retrancher derrière le remblai du chemin de fer et d’y tenir position, ce qu’elles ne firent pas. Les prussiens arrivèrent aisément à la voie ferrée et n’y trouvèrent personne.

Les officiers de ces deux compagnies, dont le manque de vigilance ou de courage causa ce désastre, furent plus tard mis en accusation par le colonel Denfert-Rochereau qui les fit emprisonner.

La perte de Danjoutin, surtout dans de telles conditions, affecta sérieusement le moral des soldats de la place. Elle fut vécue par beaucoup comme la plage la plus triste de l'histoire du siège.

Cette perte, avec celle de Pérouse qui suivra, ouvrit aux Prussiens la voie des Perches, objet de notre prochaine étape.

PS : De part et d’autre de l’entrée du cimetière de Danjoutin, on peut observer deux carrés concernant ces combats, un carré de soldats français et un carré de soldats allemands. On trouve également sur la place de l’église, à côté du monument aux morts, un monument en souvenirs des combattants de Danjoutin et des victimes civiles de ces combats.