Les combats de Bavilliers

Bavilliers et la redoute de Bellevue (source gallica.bnf.fr / BnF)

Le village et les bois entourant Bavilliers sont pour la défense de la place de Belfort d’une grande importante. Si Bavilliers est pris, il devient en effet possible de s’approcher de la redoute de Bellevue, sans être vu de nulle part, par les pentes cachées du « ravin de Bavilliers ».

Or la redoute de Bellevue est elle-même très importante pour la défense des Perches, principal point de fragilité de la place.

D’importants combats ont eu lieu sur le secteur de Bavilliers, et le village est pris par les Prussiens le 28 décembre 1870 comme le racontent Edouard Thiers et Sosthènes de la Laurencie dans leur ouvrage « La défense de Belfort » :

« Le 28 novembre, à cinq heures du soir, à la tombée de la nuit, [l’ennemi] canonna les grand'gardes des bois et du village de Bavilliers, avec trois pièces établies sur la hauteur en arrière d'Argiésans, et porta sur le village une colonne d'infanterie. (…) Toute la nuit, les forts dirigèrent sur Bavilliers une canonnade énergique. Cependant, malgré ce feu, l'ennemi réussit, en utilisant un mur de jardin, à établir en avant de Bavilliers, en travers du ravin, une tranchée d'environ cent mètres de long, s'appuyant à la route de Lyon, et lui assurant la possession du village en même temps qu'elle lui servait de première parallèle contre Bellevue, dont elle était distante d'environ onze cents mètres. »

Adophe Braun, Bavillliers occupé, tirage albuminé, 1871, ©Archives municipales Belfort

Bavilliers est pris, et la redoute de Bellevue menacée. Les troupes prussiennes tentent toutes sortes d’approches et d’attaques sur Bellevue, pour finalement y renoncer.

Toutefois, le bois de Bavilliers est de nouveau disputé les 13 et 14 décembre suivants. Une compagnie d’éclaireurs quitte Danjoutin pour enlever le bois de Bavilliers sur ordre du colonel Denfert-Rochereau. Les avant-postes prussiens sont enlevés rapidement et les Français poussent jusqu’à l’entrée du village de Bavilliers. De retour dans le bois, ils sont relevés par une troupe de réserviste du 35ème régiment de marche.

C’est au cours de cet engagement que Louis Lépine, futur préfet de police de Paris est grièvement blessé et secouru par un médecin prussien.

Le même jour, le général von Tresckow planifie une attaque d’envergure dont l’objectif est la prise de la colline du Bosmont et l’assaut sur Danjoutin. Si ses troupes ne parviennent pas à prendre la commune de Danjoutin, elle se rendent maître de la colline. L’effort est porté le lendemain matin contre la ferme de Froideval, le Grand Bois et la reprise du bois de Bavilliers. C’est à ce moment-là que les troupes françaises cantonnées à Froideval sont surprises et abandonnent rapidement leur position. Les troupes du bois de Bavilliers, composées de soldats du 35e de marche, mieux aguerries, sont encerclées. Une partie de ces hommes sont faits prisonniers.

Bavilliers, le Grand-Bois (source gallica.bnf.fr / BnF)

Le lieutenant Chaïeux, acteur de l'opération, décrit ainsi les évènements dans son rapport :

« A 4 heures du matin, le brouillard s'étant un peu dissipé, je m'aperçus que nous étions environ à 100 mètres de Bavilliers ; je fis faire une reconnaissance en avant de ma position et en arrière dans le bois de Bavilliers. (...)
Après avoir reconnu le terrain, je pris les dispositions suivantes pour la défense de jour ; je donnai l'ordre de retirer les postes avancés ; j'établis alors un cordon de tirailleurs enveloppant ma position dans toutes les directions ; ces tirailleurs étaient établis sur la crête du bois de Bavilliers et embusqués dans des buissons. (...)
Vers 6 heures 1/2 du matin, je m'aperçus que des forces ennemies sortaient du bois de Bavilliers pour m'attaquer en arrière et me repousser dans le bois du village. Je laissai l'ennemi s'avancer à environ 300 mètres de ma position et fis faire sur eux par ma réserve que j'avais placée dans une bonne position, un feu de peloton, qui les força à se retirer en arrière vers la maisonnette du passage à niveau du chemin de fer de Besançon. A 7 heures du matin, mes tirailleurs furent attaqués par des forces ennemies déployées en tirailleurs (...). Dans cette attaque, nous eûmes trois hommes grièvement blessés auxquels je fis donner aussitôt les premiers soins. En cinq reprises différentes, l'ennemi nous attaqua pendant la journée ; mais il fut toujours repoussé sans qu'il pût nous chasser de nos positions. (...)
A 3 heures 1/2 [de l’après-midi], je m'aperçus que l'ennemi nous avait tourné dans toutes nos positions et qu'une colonne ennemie forte d'environ 300 hommes et venant d'Argiésans arrivait au pas de course pour nous couper de la retraite en se dirigeant vers la maison du passage à niveau du chemin de fer de Besançon. (...)
Monsieur Plantet Desplant ayant manqué de fermeté, de sang-froid et d'énergie, cria "en retraite" (...). Ce fut la cause d'un grand désordre ; il s'en suivit encore qu'il y eut de nouveaux blessés et des hommes tués ou faits prisonniers. Ce n'est qu'à hauteur du passage à niveau du chemin de fer de Besançon que je pus arrêter les hommes pour les rassembler. Voyant que M. Plantet Desplant était incapable de commander sa compagnie, je donnai l'ordre à M. Charles d'en prendre le commandement ; c'est alors que M. Plantet Desplant prit le pas de course emmenant avec lui quelques hommes dispersés en avant et se dirigea sur la ferme de Froideval où il fût fait prisonnier. (...)
Nous continuâmes notre mouvement de retraite en traversant les postes ennemis, établis sur tous les sentiers du bois de Bavilliers et arrivâmes à 4 heures 1/2 du soir au village de Danjoutin ».

Le Grand Bois et Froideval sont perdus. Conjuguée à celles plus à l’Est d’Andelnans et du Bosmont, cette perte fragilise Danjoutin, objet de notre prochaine étape.