La Place d'Armes

La place d'Armes en 1860, lithographie en couleur, début du second empire

La place d'Armes a une fonction primordiale dans l’organisation de la garnison. Elle fait fonction de point central de la ville fortifiée. Elle joue un rôle dans la gestion de l’espace tant pour les militaires que pour les habitants. On y trouve des commerces, l’administration municipale et elle offre un espace aéré au cœur de la ville.

Plusieurs des bâtiments de la place ont joué un rôle important lors du siège de 1870-1871, à commencer par l’Hôtel de ville, au sein duquel furent dès le début du siège installés 60 lits pour accueillir blessés et malades. Les caves de ce bâtiment ont de leur côté été aménagées pour accueillir les habitants les plus pauvres qui ne disposaient pas de cave voûtée au bas de leur maison ou immeuble. Les caves de l’Hôtel de ville ont permis pendant le siège de loger continuellement 200 personnes environ.

Situé dans l’axe de tir de l’artillerie des assiégeants, l’Hôtel de ville est victime du terrible bombardement que subit Belfort. Installé dans une des ailes du bâtiment, le théâtre est entièrement détruit par un incendie en février 1871. Cependant, l’ambulance (centre de soins aux blessés et malades) de l’Hôtel de Ville fonctionne sans interruption, et des mesures de protection sont prises.

La ville de Belfort assiégée compte de nombreux lieux de soins de ce type. Le personnel soignant se compose de gardes nationaux mobiles, des dames et religieuses de la ville, ainsi que des médecins.

En janvier 1871, l’afflux de malades et de blessés est tel que l’on décide d’aménager une nouvelle ambulance dans la maison Grosborne de l’autre côté de la place.

Studio Gerst et Schmidt, colmar, La maison Grosborne, tirage albuminé contrecollé sur carton, février 1871 ©Musée(s) de Belfort

Cette imposante bâtisse n’est pas épargnée, comme le raconte Edouard Doll, infirmier en chef de l’Ambulance de la maison Grosborne dans son journal du siège de Belfort :

« Dimanche, 22 Janvier 1871 (51e jour de bombardement). Triste dimanche ! Toute la nuit les projectiles prussiens ont plu sur la ville, et la maison Grosborne, où s'est placée notre Ambulance, en a reçu sa part ; quelques éclats ont de nouveau pénétré dans l'Ambulance même, heureusement sans toucher personne ; après-midi, un obus est venu éclater dans l'embrasure de la fenêtre de l'angle donnant sur la place et a inondé la salle d'éclats d'obus, de poussière, de fumée et d'avoine provenant des sacs employés pour blinder ce côté, et qui contribuent à amortir le choc et la dispersion des éclats. Cette fois encore, bien heureusement, tout le monde a été préservé. »

Autre lieu remarquable de la place d’Armes et du siège : l’église Saint-Christophe. Celle-ci permet la mise à l’abri dans ses caveaux de près de 180 personnes, la sacristie abritant en outre une vingtaine d’habitants.

D'après Adolphe Braun, La place d'Armes au terme du siège, carte postale, début XXe

L’église est particulièrement exposée aux tirs prussiens et sert de ligne de mire à l’artillerie prussienne. En raison du danger, les offices religieux y cessent dès les premiers jours du bombardement.

Quatrième lieu remarquable de la place d’Armes : la maison dite « Mény », cette demeure est située juste à droite de l’actuelle cathédrale Saint-Christophe lorsqu’on regarde cette dernière. C’est dans cet immeuble qu’habite le maire de l’époque Edouard Mény. Sa situation sur la place d’armes fait qu’elle est durement impactée par le bombardement, comme le raconte Edouard Mény dans son journal du siège :

« Le dimanche 4 [décembre], un obus lancé par les batteries ennemies entra à onze heures et demie dans le rez-de-chaussée de la maison de M. Mény, Maire, sur la place d'Armes, et produisit les premiers dégâts sérieux. On était à ce moment-là à l'une des dernières messes qui se dirent dans l'église paroissiale dont est voisine la maison du Maire, et l'explosion du projectile, auquel on n'était pas encore habitué, produisit une panique générale. »

Comme la plupart des bâtiments de la place, la maison Mény voit sa façade fortement dégradée. Elle fait partie, tout comme l’église particulièrement meurtrie, des innombrables bâtiments qu’il faut reconstruire ou restaurer après le siège.