Les communications pendant le siège

Alphabet Morse (source gallica.bnf.fr / BnF)

Les premières lignes télégraphiques ne sont construites qu’en 1839, et ce n’est qu’en 1843 que commencent à fonctionner les appareils Morse.

En 1863, la France possède 28671 km de lignes télégraphiques comprenant 88238 km de fils et 1022 bureaux. Il y a 3752 agents de tous grades.

Dès l’invention de la télégraphie électrique, les militaires, qui ont de tout temps recherché les moyens de faciliter les opérations des armées en campagne, essaient d'en tirer parti. On commence par relier entre elles les diverses parties de forteresses très étendues et par établir des lignes militaires sur les littoraux.

Mais les premières applications réelles de la télégraphie électrique à la conduite de la guerre ne datent guère que de la guerre de Crimée (1854-1856) menée par Napoléon III.

Durant la guerre de 1870, les militaires utilisent à Belfort, comme dans les autres villes, le réseau civil. Le préfet du Haut-Rhin, Jules Grosjean, est ingénieur des télégraphes. Il met à disposition tous les moyens du département et ses connaissances sur le sujet pour accroître le rôle du télégraphe à Belfort.

Tous les agents télégraphistes sont mobilisés et intégrés progressivement dans la garnison de Belfort.

Groupe de télégraphistes à Belfort, extrait de l'ouvrage d'Edouard Doll, cf. bibliographie (source gallica.bnf.fr / BnF)

Les télégraphistes/stationnaires sont placés sous les ordres d’officiers du génie de la place.

Il y a, à Belfort, deux sortes de lignes : les lignes suspendues et les lignes rampantes. Les lignes suspendues, qu’on appelle aussi lignes aériennes ou lignes de fil, se reconnaissent à ce que le conducteur métallique est un simple fil de métal non isolé, suspendu à des poteaux ou aux arbres et maisons qui se trouvent placés dans la direction de la ligne.

Les lignes rampantes sont un câble qu’on déroule simplement sur le sol, parfois légèrement enterré. Ce câble se compose d’une âme métallique formée ordinairement de plusieurs fils de fer, d’acier ou de cuivre, recouverte d’une enveloppe isolante caoutchoutée. La construction des lignes rampantes peut se faire avec une rapidité beaucoup plus grande que celle des lignes suspendues et exige moins de travailleurs.

En 1870, les réseaux télégraphiques français n’emploient qu’un seul type d’appareil : le télégraphe Morse.

Télégraphe Morse (source gallica.bnf.fr / BnF)

Au début de la guerre, Belfort ne possède qu’un bureau de télégraphie installé Place d’Armes dans la maison du pharmacien Parisot. Le bureau est déplacé dans la mairie avec un renfort de matériel et de personnel du service télégraphique de Mulhouse, ce qui occasionne la mise en liaison avec Paris et tout le grand est de la France. Mais ces communications sont régulièrement coupées par l’ennemi.

De nouvelles lignes provisoires sont posées le long des routes ou à travers les forêts, ce qui ramifie davantage le réseau et maintient les relations entre les villes alsaciennes et le reste du pays malgré les sabotages intempestifs sur le réseau classique.

Selon Edouard Robert, chef du service de télégraphie militaire durant le siège de Belfort, ancien inspecteur des lignes télégraphiques du Haut-Rhin, le service télégraphique de Belfort compta pendant le siège au moins 24 agents titulaires et une vingtaine de gardes mobiles du Haut-Rhin.*

Les forts et les ouvrages avancés sont reliés entre le 15 août et le 3 novembre 1870 par des lignes télégraphiques aériennes, et aussi des lignes rampantes.

Des gardes mobiles du Haut-Rhin sont intégrés aux télégraphistes de l’hôtel de ville qui assurent leur instruction. Belfort compte alors 14 standards télégraphiques, dont le poste central situé au niveau des casemates de la porte de Brisach, à proximité immédiate de la casemate 22, poste de commandement du colonel Denfert-Rochereau.

Le central télégraphique de la porte de Brisach est relié aux treize autres postes de la place : La citadelle, les forts de la Justice, de la Miotte, des Barres, les ouvrages de Bellevue, des Hautes et Basses-Perches, mais aussi la gare, le faubourg de France, le camp retranché, la Forge, Danjoutin et Pérouse.

La maintenance des lignes (constamment sabotées ou endommagées par les bombardements) est assurée par un certain Monsieur Blaise, chef surveillant du Haut-Rhin avant le siège, et sept agents spécialisés dont trois militaires.

Durant le siège, les télégraphistes de Belfort s’évertuent à tenter d’enterrer une partie des lignes menacées de sabotage mais c’est une vaine intention : le sol est trop gelé.

Le commandement adopte, en cas de coupures des lignes télégraphiques, un système de signaux lumineux au moyen de lanternes optiques à verres de diverses couleurs. Ces appareils permettent de distinguer, à une distance assez grande, les signaux Morse. Mais leur emploi n'est pas possible si les conditions météorologiques sont mauvaises ; il est donc limité. La télégraphie par signaux optiques n'est ainsi qu'un complément de la télégraphie électrique de campagne.

Durant le siège, les communications se font également par messagers (estafettes) et ceux-ci ont un rôle essentiel dans la conduite des opérations.

A Belfort, seule une petite partie des messages échangés entre l’autorité préfectorale et le commandement sont codés, par l’utilisation d’un procédé de chiffrement à quatre unités, ce qui ne posa pas de grand problème puisque jamais les Prussiens ne purent pénétrer profondément le système défensif de la ville.

* : Edouard Robert, Souvenirs du siège de Belfort et poésies lorraines, Oran, 1888